Mes souvenirs...

Mes souvenirs, c’est tout ce qu’il me reste…

Ils me font oublier ces mains qui ne savent plus travailler,
Ces caresses que je ne peux plus prodiguer.

Ils me pardonnent mon immobilité, mon ennui,
Ma désespérance aussi.

Ils apaisent mes chagrins charriés par les ans
Et mes tourments du moment.

Mes souvenirs, c’est tout ce qu’il me reste
Ainsi, je peux vivre ma vie une seconde
fois…

Ils sont ces yeux qui ne voient plus,
Ces mains devenues inertes,
Ce corps rendu trop faible.

Ils sont ces battements de coeur
Qui s’animent et s’emballent
Au contact des petits bonheurs.

Mes souvenirs ne rêvent plus.
Ils voyagent d’hier à aujourd’hui,
D’aujourd’hui à hier
Car demain n’est plus.

Entre quatre murs
Les rêves manquent d’espace.
Dans la solitude
L’avenir n’a pas d’avenir.

Au fond, ma vie est une grande vie
Contenue dans quelques souvenirs,  souvent les mêmes.

Mes souvenirs c’est tout ce qu’il me reste
Et Dieu seul sait combien je suis comblée…

[Jocelyne Gagné alias Mésange – 9 mai 2012]


[Photographie tirée de Dreamstime]

8 commentaires:

  1. Bonsoir Mésange, très beau texte plein de pudeur, mais de désespérance aussi.
    La vieillesse est une calamité, surtout lorsque elle s'allie à la solitude. les souvenirs seront-ils suffisants pour faire endurer ce naufrage, cette impossibilité d'être encore soi-même ?

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    1. Chère Mireille, quelle belle image que voilà: « endurer ce naufrage » - je crois que les souvenirs ont ce pouvoir de faire supporter l’insupportable… mais avant, il faut avoir réussi à engranger de « beaux souvenirs », alors là, tout est possible!

      Parce que j’ai vu des gens de mon âge et plus jeune encore mourir trop tôt, je ne considère pas la vieillesse comme une calamité au contraire, c’est une « chance » de pouvoir vieillir. Ceux qui ont disparu à l’aube de leur vie, n’ont pas eu le temps ou le loisir (car trop malade) de mettre des souvenirs dans le grenier de leur mémoire… Je me sens donc privilégiée d’avoir accès à toute la beauté du monde, à une santé pas trop mal, à une voix qui peut encore se faire entendre. Si la vieillesse me fait cadeau de la vie en y perdant au change mon apparence, ma mémoire, mon entourage,je n’aurai pas tout perdu car j’aurai la vie, l’amour de la vie, la joie de la vie elle-même!

      Merci chère Mireille de nous rappeler qu'il y a naufrage quand on a perdu tous nos moyens pour affronter la tempête... Bonne et belle journée xxx

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  2. "N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
    Je dirai malgré tout que cette vie fut belle."
    Aragon

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    1. Chère Anne, être capable d’apprécier ce que nous avons vécu, c’est faire preuve de discernement – être capable d’être reconnaissant et de le dire, c’est un signe de sagesse! Je note les paroles d'Aragon, elles sont pleines de "sagesse". Merci xxx

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  3. Il est tellement beau ce texte
    Il émeut avec tant de force
    Que les mots manquent
    On a envie de prendre doucement cette personne par la main , pour une promenade et lui dire que dmain est là encore pour elle
    De s'asseoir sur un banc avec elle et de lui demander de raconter ses souvenirs ..de la serrer tendrement dans les bras , de lui dire doucement que sa vie compte aux yeux de ceux et celles qui ne sont qu'au milieu du chemin

    Vieillir dans la solitude quelle tristesse , et pourtant il y a encore la lumière de" sa grande vie contenue dans ses souvenirs"
    Ce poème est poignant tu as réussi Mésange à émouvoir sans tomber dans le mélo... avec une grande délicatesse tu as décrit une vie au crépuscule
    Nos sociétes modernes sont souvent responsables, nous sommes responsables de cet isolement des personnes âgées ..on les oublie , on ne les voient plus , elles deviennent transparentes
    En Afrique, où j'ai vécu quelques années la personne âgée n'est pas seule , la famille est là autour d'elle , elle est considérée avec respect , on l'écoute , on demande son avis et cela se fait tout naturellement

    Merci Mésange pour ce poème si émouvant qui touche au plus profond de soi car il nous renvoie à nos attitudes envers ceux dont "les rêves manquent d'espace "pas seulement en "vertu" de leur âge mais par cette place qui ne leur est plus donnée
    Et puis ton texte nous renvoie aussi à notre propre solitude, à la peur de vieillir sans lien

    Je t'embrasse bien fort

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    1. Chère Lysie, tu as raison – accompagner les aînés, les nôtres et ceux qui nous entourent sur les derniers kilomètres de leur vie, juste pour les entendre raconter avec le feu dans le cœur, la fougue dans la voix et les étoiles dans les yeux, les exploits souvent fortement embellis par les ans; juste pour les voir creuser dans leurs souvenirs des bribes qui avaient été oubliées et surtout les voir s’émouvoir par notre écoute et notre présence et que même s’ils se répètent, on n’a pas pris la poudre d’escampette! Tant à dire et souvent en si peu de temps.

      Si on ne leur pose pas de questions, le jour venu, toutes nos questions demeureront sans réponse… Tant à dire et tant à écouter…

      Quand tu parles des personnes âgées en ces termes : « on les oublie, on ne les voit plus, elles deviennent transparentes » et que c’est de notre faute… C’est vrai! Notre société a décidé que le plus important était le « je-me-moi » et les « se-faire-plaisir », «se-taper-du-bon-temps », «pensez-à-soi» etc, ça ne laisse pas de place pour les autres. Les enfants sont à la garderie -les parents, en résidence! Et le « bon temps » pour ceux du milieu!

      En Afrique, ils semblent avoir compris la présence et l’utilité des « anciens » - chanceuse es-tu d’avoir vu cela! Il y a donc de l’espoir… Oui, nos « vieux » sont utiles – ils possèdent la sagesse et l’expérience… une belle réserve de savoir à utiliser afin qu’elle puisse se renouveler!

      C’est vrai ce que tu soulignes : «renvoie à notre propre solitude, à la peur de vieillir sans lien »… mais, on ne semble pas avoir peur, du moins pas suffisamment sinon, on ferait ce qu’il faut! À moins que l’on marche à l’aveuglette, croyant vivre indéfiniment…
      Je garde espoir que l’humain va un jour se rappeler son « humanité » en s’occupant des autres et « aussi » de lui-même.

      Merci chère Lysie de nous dessiner un tableau réaliste mais aussi rempli d’espoir et ça, c’est merveilleux! Bisous tout plein et merci pour ton appréciation qui me fait chaud au coeur! xxxooo

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  4. Ce poème me touche d'autant plus qu'il y a peu, pour les besoins d'un billet de blog à la mémoire d'un ami disparu, j'ai été étonnée de la force des souvenirs, de la précision de ces moments de vie vécus, qui nous feraient presque les vivre... une seconde fois, au geste près. Et cette solitude, cette solitude que je revendique pour l'instant comme un choix farouche, mais qui se profile, en filigrane, plus ambiguë et plus cruelle plus tard, j'en prends conscience avec ce poème qui me met face à la vieillesse à laquelle personne n'échappe... Merci pour ces rides, que je n'ai pas encore, merci pour ces mots qui ne sont pas encore les miens mais qui combleront le soir de ma âge... Amitiés, Mésange !

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    1. Chère Colibri-Namélie, je réalise en lisant ton commentaire à quel point les souvenirs ont un pouvoir incroyable… On les croit souvent oubliés mais ils sont bien là, quelque part à attendre notre venue… Tu parles de précision des moments vécus donnant l’impression de revivre l’événement… les détails des images, les odeurs, les sons et même l’émotion est présente! Donc, revivre des souvenirs heureux peut tenir compagnie à la solitude…

      Comme toi, je recherche la solitude et j’essaie de la préserver aussi souvent que possible. Ça n’exclut pas que j’aime les gens et leur compagnie, mais je me suis habituée tôt à la présence de la solitude; elle ne m’effarouche point… C’est même une fidèle amie, une conseillère, un guide car sans elle, j’aurais du mal à définir ma pensée par les mots ou les idées!

      Au crépuscule de ta vie, chère Colibri-Namélie, les souvenirs te tiendront compagnie comme la lumière d'un phare accompagne le marin... Merci d'être passée douce amie xxx

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