3e lundi de janvier 2013


[Photographie tirée de Dreamstime]
Café du matin

Ce matin, j’ai eu la bonne idée d’enfiler un pantalon que j’affectionne tout particulièrement. De coupe standard, ajusté à la taille et ample au niveau des jambes, il est des plus confortables. J’ai pris quelques minutes pour regarder la précision de la confection. Certes, certaines lignes de couture (moins apparentes) présentaient de faibles ondulations, mais dans l’ensemble c’était du beau travail que je pouvais porter avec fierté car après tout c’était ma création! Ce vêtement m’a ramenée des années en arrière, du temps où la machine à coudre servait de musique de fond dans la maison. Voyez-vous, ma mère était très habile; elle maniait les ciseaux, l’aiguille et la machine à coudre avec précision et savoir-faire. Entre ses mains, un simple bout de tissu devenait vite un magnifique vêtement! J’enviais ma mère. Ses coutures étaient toujours bien droites et le point régulier.
 
 
À l’inverse, j’essayais tant bien que mal à faire une couture droite, arrêtant à tout instant l’engin pour juger des résultats qui étaient, ma foi, fort misérables. Et je décousais l’ouvrage pour ensuite remettre le tout sous le pied de biche. Je reprenais ma besogne sans oublier d’échapper quelques soupirs de découragement. Et je pouvais répéter ce scénario jusqu’à ce que le tissu se dégrade à un point tel que je ne puisse plus rien faire de bon. Un autre soupir, plus gros celui-là, obligeait ma mère à délaisser ses tâches pour constater de visu l’étendue des dégâts : le tissu était irrécupérable, tout comme mon moral d’ailleurs.

Choisissant avec soin ses mots, ma mère me suggéra d’accepter les imperfections, les maladresses de mon inexpérience en continuant à coudre même si ma couture partait de travers, ondulait à certains endroits et se terminait de la même manière qu’au départ. « À force de coudre, me dit-elle, on devient bon. Mais si tu passes plus de temps à découdre qu’à coudre, tu n’auras rien produit d’intéressant et au final tu n’auras rien appris!  Accepte ton manque d’expérience et persévère. Tu verras, l’habileté, la confiance et le plaisir seront bientôt au rendez-vous. »

En règle générale, nous voulons tous de belles lignes droites dans notre vie, des lignes pour lesquelles nous voulons être fiers, mais nos tentatives sont loin d’être rectilignes car nous manquons d’expérience. Chaque situation est nouvelle puisque nous n’avons jamais rien vécu de semblable auparavant. Et dès que ça ondule un peu, nous voulons tout recommencer, découdre cette vilaine couture, la reprendre et ainsi de suite. Essayons plutôt de faire de notre mieux avec l’habileté qui nous fait défaut, acceptons quelques variations dans notre couture et rendons-nous jusqu’au bout d’une idée, d’un projet, d’une relation, juste pour le plaisir de voir jusqu’où ça peut nous mener…

Aujourd’hui encore, il m’arrive de rêver de lignes bien droites mais je songe plus souvent à des lignes qui ont un commencement et une fin. Les irrégularités entre les deux ne sont que l’expression de ma créativité et du désir de faire de mon mieux.

En prenant votre café ce matin, songez à toute les fois où vous avez recommencé au lieu d’avancer et ainsi prendre de l’expérience et de la maturité. Ensuite, pensez à toutes ces occasions où vous avez renoncé en vous disant que vous n’y arriveriez pas, que vous n’êtes pas assez bons. Finalement, demandez-vous avec honnêteté si vous recommencez ou renoncez, est-ce par manque de courage ou par manque de vision

Mésange

[Derrière les liens hypertextes, d'autres lectures vous attendent!]

16 commentaires:

  1. De bien sages conseils maternels pleins d'amour et de bienveillance.
    Quant à mon expérience, j'ai souvent cousu et décousu et quand l'ensemble tient tant bien que mal, ce n'est pas suffisant. Pour ne pas toujours découdre je m'accroche à la couture mais avec douleur et silences. Est-ce mieux ou faut-il viser le bien-être ?

    Merci de nous éclairer l'esprit en ce début de semaine.

    A bientôt

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    1. Chère Moun,
      Il y a beaucoup de vérité dans vos propos... et du vécu. L'expérience nous aide à savoir lequel des maux est le plus supportable: recommencer ou faire "avec" une mauvaise couture?

      Je crois que même si ce qui a été fait n'est pas un chef d'oeuvre en soi, même si "l'ensemble" tient par miracle, on aura au moins essayé de faire les choses comme il faut, et ce, jusqu'au bout. Peut-être n’avons-nous pas réussi à faire d’un projet, d’une relation ce que nous souhaitions tant au départ mais derrière ces tentatives, il n’y avait que de bonnes intentions, de l’enthousiasme et du courage. On ne devrait jamais se désoler pour les expériences qui ont mal tourné ou pour notre inexpérience. On devrait plutôt se féliciter d’avoir « au moins » essayé. Et derrière chaque expérience on apprend à se connaître davantage…

      Je l’admets, il y a des apprentissages qui se font plus durement que d’autres, mais ce sont ceux-là qui nous servent le plus…

      S’accrocher ou viser le bien-être? Que vous dit votre cœur?

      Bonne et douce journée dans la lumière.

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  2. vision proche ou vision lointaine...le nez sur le guidon et tremblant ou l'oeil sur la ligne d'horizon...tout est durée d'apprentissage et chacun évolue comme il peut, il progresse avec le soutien et les encouragements de l'entourage bienveillant, une belle réflexion pour la semaine, une mise au point avant de repartir coudre nos journées.
    Belle semaine Mésange, à bientôt

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    1. Chère Josette,
      Vision proche ou lointaine? Dépendamment de l’idée, du projet, de la relation que nous sommes en train de coudre! Si je travaille une idée pour un livre, je vais devoir ajuster mes lunettes et avoir une grosse bobine de fil puisque c’est un projet à long terme. De plus, ma couture risque d’être moins bien réussie au départ qu’à la fin car l’expérience se fera en cours de route. Mais si je décide de coudre un projet d’un week-end, nul besoin de lunettes pour cela. Et le fil? En très petite quantité!
      La vision, on l’ajuste selon la paire de lunettes (le projet) mais plus encore, on doit pouvoir les enlever une fois de temps en temps pour prendre contact avec la réalité!

      Merci Josette pour avoir fait ressortir l’importance d’avoir une bonne « vision » lorsqu’on entreprend de coudre les expériences de notre vie!

      Bonne semaine!!!

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  3. J'aime beaucoup cette metaphore couturière.. Ma mere aussi etit une fée de l'aiguille et de la machine, mais en moins philosophe..Elle , c'etait plutot : "faire et defaire, c'est toujours travailler".Alors parfois je pense comme elle , d'autres fois pas; Tout depend du domaine. Tu me donnes à reflechir un lundi de bon matin! :o)
    Bonne semaine!

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    1. Chère Malyss,

      C'est vrai que "nos" mères travaillaient beaucoup. Et la mienne travaille aujourd'hui tout autant (80 ans). Le détente ne fait pas partie de son "mode" de vie! Je crois que, malgré moi, j'ai hérité de ce très de caractère. Pas facile de rester tranquille cinq minutes... mais ça s'apprend!

      Tu fais bien de prendre ce qui te plaît dans ce que tu as reçu comme "leçon de vie" et de l'utiliser au moment opportun. Il y a des choses qui méritent d'être engrangées et d'autres complètement délaissées.

      Ne réfléchis pas trop! Savoure plutôt un bon café en ma compagnie ;-) Bonne et belle semaine!

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  4. Ou comment la couture vous amène à la philosophie. Tu as raison Plume, à force de chercher la perfection, on ne fait rien. Mieux vaut accepter ses défauts et profiter de l'expérience qu'ils nous apportent.

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    1. Chère Amartia,
      J'avais un professeur de littérature qui disait: "La perfection est l'excuse par excellence des gens qui sont incapables de terminer quoi que ce soit." Mmm, c'était un peu dur à attendre mais au fond il n'avait pas tort. Trop souvent on revient sur nos pas, fignolant ici et là, recommançant, etc. jusqu'à l'écoeurement. Mais on mélange trop souvent amélioration et perfection. L'amélioration vise à être meilleur que la dernière fois et ainsi être satisfait des progrès accomplis. La perfection vise à être "le meilleur" et ainsi engendre une éternelle insatisfaction.

      Être un peu "plus" de jour en jour, le voilà le réel "perfectionnement"!

      Bonne et belle semaine Amartia!

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  5. Aaah mon chère amie je crois qu'on a la même mère !!! Ma mère fait des lignes plus droites que droites....une véritable fée, l'as des as avec tellement de finesse et moi trop impatiente dans la vie en général je voulais faire comme elle hi hi hi.....je t'épargne les détails mais j'ai fini par coudre en utilisant du scotch et de la superglu néoprène ! (très bien d'ailleurs si tu veux essayer)
    Je ne sais pas trop ou tu peux placer ça dans la philosophie de ton joli billet, je suis sans doute un cas désespérée hi hi hi....plein de bisous ma chère Jojo

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    1. Chère Miriam, oh oui, on avait probablement la même mère!!! Ha! Ha! Ha! L’image des « lignes plus droites que droites », ça me revient maintenant et c’était tout à fait cela!!!

      Il n’y a pas de mal à avoir de l’impatience, disons que dans ce cas-ci c’était une « hâte » mal contrôlée : ta passion te transportait et te faisait sauter « quelques étapes ». Je comprends très bien, ça m’arrive encore aujourd’hui!

      Dans ma jeunesse, j’ai tenté de faire un soutien gorge avec des agrafes; ça se passe de commentaires!!! J’ai essayé le ruban adhésif, plus délicat pour la peau mais l’ensemble tenait péniblement. Pour ce qui est de la "superglue" eh bien, il n’y en avait pas… Mais puisque tu en parles, je vais l’essayer, juste pour voir les résultats! Je suis curieuse!!!

      Comme toujours, tu m’as fait rire un bon moment! Tu es un véritable rayon de soleil!

      Tu es loin d’être un cas désespéré, disons qu’à défaut de patience tu as « beaucoup de créativité »!!!

      Bisous tout plein ma douce amie!

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  6. J'avais une sœur qui été incapable de coudre des lignes droites.Elle n'y arrivait pas, malgré sa bonne volonté et les coutures étaient une véritable catastrophe ... un jour elle s'est mise à la broderie de Calais ...la plus réputée pour sa beauté et sa finesse chez nous...très motivée elle a réalisé de belles dentelles ...je ne sais pas pourquoi ton texte m'inspire ce souvenir.... et cette réflexion :"que cent fois remettre son ouvrage est important .. mais que la motivation pousse davantage à se surpasser".. un peu éloignée de ce que tu voulais exprimer :)
    Bises pour toi tite Mésange

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    1. Chère Lyse, merci pour ce petit détour! Ce sont souvent ces chemins qui nous font découvrir de magnifiques choses!

      Nicolas Boileau écrivait :
      « Il est certains esprits dont les sombres pensées
      Sont, d'un nuage épais, toujours embarrassées ;
      Le jour de la raison ne le saurait percer.
      Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
      Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
      L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
      Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
      Et les mots pour le dire arrivent aisément. [...]

      Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,
      Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. [...] » Tiré de « L’art poétique »

      Persévérer, ne jamais abandonner, faire de son mieux et même plus… De beaux messages n’est-ce pas? Merci de me rappeler les écrits de cet auteur qui soignait tant les détails…

      Avancer résolument et avec acharnement.

      Et il y avait aussi Pénélope, la femme d'Ulysse qui utilisa la ruse du métier à tisser pour échapper à son destin. Elle affirmait à ses prétendants qu’elle se marierait le jour où elle aurait achevé le linceul qu’elle était en train de tisser pour son beau-père. Et chaque nuit, elle défaisait l’ouvrage qu’elle avait fait le jour.

      Persévérance pour éviter un mariage qu’elle ne souhaitait pas? Détermination à attendre le retour de son Ulysse en usant de tous les moyens possibles? Faire de son mieux avec ce que le destin nous donne entre les mains… c'est le mieux que l'on puisse faire!

      Merci Lysie et plein de bises pour toi!

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  7. Merci pour votre très beau texte, Mésange, et vos souvenirs partagés avec vos lecteurs. On peut en effet méditer sur les anecdotes personnelles qui nous enseignent de belles leçons de vie. Votre maman vous a guidée avec beaucoup de générosité et d'amour.
    De mon côté, c'est mon père qui a "tué dans l'oeuf" ma vocation de couturière de six ans. Maman était en train de se faire une robe d'été, de forme bustier, avec un boléro court assorti, et je lui avais demandé l'autorisation d'utiliser des chustes de tissu pour confectionner un gilet à mon ours en peluche. Elle avait accepté sans vérifier les morceaux que j'avais pris avec joie. Mon jeune âge ne me permettait cependant pas de différencier les chutes et les morceaux déjà taillés pour l'assemblage. Certes, mon ours en peluche arborait un magnifique gilet bleu assorti à ses yeux. Je l'avais cousu à la main avec beaucoup d'application et j'étais très fière de mon travail. Ce ne fut pas l'avis de mon père qui me réprimanda fermement, car il fallut acheter du tissu neuf pour la robe de Maman, celui que j'avais pris étant désormais inutilisable. Quelle philosophie tirer de cette anecdote? Je vous laisse juge, Mésange. En tout cas, j'espère vous avoir amusée et je vous souhaite une très bonne semaine.

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    1. Chère Anne, j’ai eu beaucoup de plaisir à vous lire! Vraiment! Et combien j’aurais aimé être là pour vous éviter les reproches! Probablement, j’aurais fait la même chose que vous mais nous aurions eu chacune que la moitié du blâme! Mais bon…
      Quelle philosophie en tirer maintenant? Comme tous les morceaux se ressemblaient, vous avez opté pour celui qui était le plus près de vous… Normal! Pourquoi s’éloigner, chercher plus loin ce qui est disponible à portée de main? Le choix s’est fait naturellement et puis le bleu allait si bien avec les yeux de votre ourson! Mais permettez-moi de vous dire que ce jour-là, votre talent de couturière n’est pas mort dans l’œuf, la preuve, vos mots ont la droiture et l’élégance de ces belles coutures que l’on admire tant sur les vêtements griffés. Vous avez simplement troqué l’aiguille et le tissu contre la plume et le papier.

      Merci pour cette belle anecdote qui fut très divertissante!

      Je vous souhaite une belle et douce journée!

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  8. Bonsoir Chère Mésange,
    Comme vous, j'ai appris à me méfier des lignes droites et à emprunter les lignes courbes et ondulées de la vie.
    A bientôt !

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    1. Chère Bonheur du Jour,
      Les courbes, les louvoiements, les détours, les virages en tête d'épingle ne sont que des "astuces" pour nous permettre de voir d'autres paysages, d'autres possibilités... Car la vie, c'est loin d'être ennuyant!

      Merci et continuez d'apprécier les sinuosités de la vie!

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