[Photographie réalisée par Robert Lemire] |
« Il y a des choses qui se savourent lentement comme le bonheur et la crème glacée! »
Je ne sais pas pour vous mais pour ma part, j’ai déjà tenté d’engloutir une crème glacée en un temps record et le résultat fut des plus convaincants. Permettez que je vous explique…
Puisque j’étais la benjamine de la famille, souvent il m’arrivait de terminer un repas en dernier. Était-ce parce que mon bras manquait d’entraînement ou que les mouches et les bruits environnants semblaient plus distrayants que le contenu mon assiette, bref, j’étais celle à qui on exigeait de passer en deuxième vitesse au moment de desservir. Même pendant les sorties, cette rapidité déficiente ne s’améliorait pas au moment des pauses et des repas, bien au contraire. La plupart du temps, elle suscitait une impatience générale de la part de ma famille. Et pendant que les pieds martelaient le sol de leur exaspération et que les yeux me canonnaient de reproches, j’essayais tant bien que mal de terminer ma collation sachant que j’étais l’attraction numéro un du jour. Bizarrement, j’avais de la difficulté à avaler quoi que ce soit!
Et c’est lors d’une chaude journée de juillet que j’ai reçu une de mes premières leçons de vie. La route était belle et toute la famille appréciait la balade en voiture. Papa s’arrêta devant une crèmerie et à la vue de ces majestueux cornets de crème glacée, je n’ai pas pu résister; j’ai choisi le plus gros! Tout le monde avait opté pour une crème « molle ». Sur le coup, je n’ai pas compris; c’est après que j’ai saisi. En un rien de temps, les cornets étaient engloutis, presque digérés et les mains libérées. Encore une fois, les regards se sont posés sur moi ou plutôt sur cet énorme cône glacé composé de deux grosses boules parfumées à la fraise. Le soleil était cuisant; la chaleur suffocante. La crème glacée fondait et se répandait en cascade rose et collante sur mes petites mains couvrant à peine le pourtour de ce savoureux dessert. Loin de s’arrêter là, la crème dégoulinait, ruisselait le long de mes cuisses comme une hémorragie qu’on ne peut stopper. De découragement, on échappait des soupirs aussi longs et lancinants que la plainte du vent dans les arbres. Eh misère…
Pour couronner le tout, on m’intima d’accélérer le rythme de mes lichettes afin de pouvoir quitter l’endroit avant l’arrivée de l’hiver. J’ai mordu à pleines dents dans cette crème trop molle à la surface mais dure et froide à l’intérieur, ne prenant pas le temps de savourer, avalant au fur et à mesure que l’impatience grimpait tout autour. À cette vitesse, la conséquence me sauta en plein front: je venais de me geler le cerveau! Ouïe! Déjà, je faisais la connaissance de la migraine, mal inconnu pour mon jeune âge. L’attirance pour la crème glacée s’envola aussitôt et je regardai ce cône comme d’un ennemi à abattre. Du rose, mon univers passa au gris sombre. Je n’appréciais plus rien, pas plus l’idée d’aller au zoo pour me changer les idées. Je laissai tomber le cornet au sol trop préoccupée à endiguer l’eau qui couvrait le brun de mes yeux. Cette expérience, j’allais m’en souvenir longtemps.
Aujourd’hui, j’aime encore la crème glacée mais à la cuillère et plus rien ni personne n’arriverait à me faire accélérer la cadence lors d’un repas. Si je lambine, tant mieux pour moi et tant pis pour les autres! La leçon a servi. Se nourrir est plus qu’un acte par nécessité, il doit y avoir aussi une part de plaisir.
En ce lundi matin, prenez le temps d’apprécier votre café, votre lecture, les chauds rayons du soleil à votre rythme et savourez la vie une bouchée à la fois!
Mésange
Voici un excellent conseil, Mésange! Prendre son temps, ralentir, dans un monde submergé par sa propre vitesse, c'est tout simplement vivre à un rythme humain et donner un bon exemple. J'ajouterais qu'il en va de même pour l'espace: il ne s'agit pas de s'interdire la découverte de lointaines contrées, mais de le faire un peu plus souvent en marchant, de manière à approfondir une connaissance des lieux à une échelle humaine. Quels cadeaux merveilleux sont offerts à ceux qui prennent le temps de les apprécier! Le chemin de la sagesse est un art de vivre qui rend heureux.
RépondreSupprimerQuelle belle sagesse, chère Anne! L’importance de découvrir notre environnement en marchant, c’est se mettre au niveau de la nature et à sa vitesse. Assister à l’éclosion des bourgeons, surprendre la fleur qui s’exhibe, croiser la piste d’un lièvre, capter les traits de lumière à travers le feuillage, boire à la source fraîche en compagnie des rochers et ainsi avoir l’impression de faire partie de cette grande famille : la nature!
SupprimerMerci pour ce merveilleux message. Merci d’avoir pris le temps de m’écrire.
Que votre semaine soit douce et paisible.