POUR LE WEEK-END…
J’ai la chance d’avoir des parents encore en vie et tout à fait autonomes. Je les vois assez régulièrement et j’en profite pour leur soutirer des bribes de souvenirs enfouis tout au fond de leur mémoire. Pourquoi cette curiosité soudaine? Je vois le temps agir sur leur âge comme sur celui d’un enfant; ils vieillissent à vue d’œil!
Mes trois frères, tous plus âgés que moi, ont entendu maintes fois mes parents leur raconter les récits du temps de leur jeunesse. Mais ces histoires, ils ont cessé de les répéter à mon arrivée. De peur de passer pour des radoteurs, ils ont enfoui leurs souvenirs bons et moins bons au fond de cette bonne vieille mémoire et du même coup, ils ont éteint l’étincelle qui brillait dans leurs yeux.
L’aîné se souvient d’un tas d’anecdotes; moi, pas du tout. Difficile de se rappeler un fait qui n’a jamais été raconté! Alors pour combler cette lacune, j’ai entrepris de creuser, d’excaver les souvenirs enterrés par les obligations du moment, les inquiétudes de l’avenir, les éventualités qui ne sont jamais présentées. Et si je n’essaie pas de déterrer ces précieux trésors, un jour ou l’autre, ils vont disparaître avec eux.
La mémoire d’un être cher reste vivante quand on s’y est intéressée de son vivant; quand on a pu recueillir le témoignage de son vécu de son vivant. Après, il est trop tard!
C’est lorsque les gens sont en vie qu’il est encore temps d’être des témoins de leur vie présente et d’être sensible à l’éloge de leur vie passée.
Nos parents et nos aïlleux ne nous ont pas préparé d’autobiographie à être lue après leur départ - ils ne sont ni poètes ,ni écrivains. Ils n’ont que les souvenirs de leurs souvenirs. Et si les prévisions des grands scientifiques s’avèrent véridiques, dans cinquante ans, près d'un quart de la population souffrira d’Alzheimer. Alors qui se souviendra de nous?
Pour le week-end, allez rendre visite à vos ascendants, prenez plaisir à les voir raconter leur passé. Vous savez, en vieillissant on n’a plus la beauté, on perd de la vitalité et les enfants nous délaissent pour des activités plus palpitantes, bref, la seule chose qui reste pour nous tenir compagnie quand la peur de mourir nous assaille, ce sont les souvenirs. Ne faites pas les blasés ou les insensibles; un jour viendra où vous serez le père ou la mère vieillissante et vous apprécierez qu’on vous témoigne encore de l’intérêt!
Si vos parents sont toujours en vie, prenez du bon temps en leur compagnie. Creusez et les souvenirs afflueront telle une source d’eau vive. S’il vous reste des liens de parenté quelque part, faites un petit détour et allez prendre un café juste pour le plaisir d’écouter une bonne histoire. Et entre vous et moi, c’est quand même mieux qu’un film de série D!
Le bon vieux temps, ce n’est pas juste une histoire de vieux. Même à quarante-cinq ans, il fait partie de notre laïus!
Aujourd’hui ce sont vos parents à qui vous rendez visite. Demain, ce seront vos enfants qui feront de même. Alors, donnez l’exemple!
Bon week-end!
Mésange
Si tu savais, Mésange, comme j'ai collé à tes mots, moi qui depuis plus de vingt ans, pour les avoir perdus trop tôt, ne cesse de faire de ces mots des maux ! Tu as tellement raison de sensibiliser la génération future à ce problème qu'est notre vieillesse par rapport à leur jeunesse. Il fut un temps où il n'était pas difficile de réunir à table plusieurs générations, et je me souviens effectivement que les amis de mes parents aimaient les écouter conter leurs expériences, leur vie, avec, cette étincelle dans les yeux qui les faisaient se sentir encore exister et non simplement d'être. Je suis d'autant plus émue à tes mots que, enfant, leurs histoires maintes fois relatées me "barbaient"… je me disais toujours "j'aurai le temps plus tard de les entendre…" Aujourd'hui, le souvenir des souvenirs me manquent énormément. J'en parle quelquefois sur mon blog "cuisine(s) et dépendance(s) (par Colibri). Et j'ai sous le coude un billet qui s'appelle "procrastination et uchronie", que je n'arrive toujours pas à publier, c'est ce fameux billet censé parler de tout cela, d'eux, de leur vie si particulière, de la mienne qui a été conditionnée par elle, un sujet que j'ai abordé parfois sous le libellé "pamplemousse" (toujours sur l'autre blog). Désormais, j'ai l'impression que cela devient compliqué, plus personne ne semble avoir du temps à partager avec les anciens, dernièrement, je l'ai constaté lors d'une invitation que je voulais toutes générations confondues. Certains m'ont demandé "il y aura qui ?". Et les jeunes de tordre le nez parce qu'il y aura des "vieux (+60…), et les vieux (ceux-là mêmes !) de s'écrier "ah, bon, il y aura des jeunes, tant mieux, c'est mieux que d'être avec des vieux" !!! Oui, mais si tout le monde ne veut qu'être avec des "jeunes"… Du coup ça m'a fichu le bourdon en me projetant dans ma propre vieillesse, surtout que je n'ai pas d'enfants ! Dur, dur, de vieillir dans ce monde sans pitié !!!
RépondreSupprimerPS : j'aime beaucoup la notion de "souvenir de souvenirs"...
J'ai lu et relu ton commentaire avec beaucoup de plaisir et aussi, secouée par les émotions... Je sens venir le jour où je devrai faire le deuil d'êtres chers. Depuis quelques mois je vois s'éteindre le père, la mère de gens qui nous sont proches. Perdre trop tôt, perdre plus tard... ça reste une "perte" ou un grand trou que rien ne peut combler, comme si on nous arrachait le coeur! Encore des funérailles, un va-et-vient de coeurs attristés qui baignent dans les "regrets"... Pourquoi si tôt, pourquoi si vite, pourquoi je ne lui ai pas dit ceci ou cela. Regrets ou remords? Dans les deux cas, c'est un poids très lourd à porter et à supporter! La mort c'est moche!
RépondreSupprimerJe reviens à ton billet, c'est vrai ce que tu dis: même les vieux ne supportent plus les vieux, ils préfèrent les jeunes! Hier encore, j'entendais une dame de 78 ans dire à son mari qu'elle s'était fait bousculer par une "vieille" folle (une vieille âgée de 79 ans!!!). Aoutch! Même entre vieux, il y a des distinctions! Mais aux yeux des vieux, les jeunes, ils sont plein de vie et ils ont des rêves... les anciens eux ont l'espoir et les souvenirs. Les jeunes vont vers l'avant (ils souhaitent grandir, vieillir) et les vieux, eux vont vers l'arrière (cherchant à retarder la vieillesse et la mort)... Un jour où l'autre, ces deux générations vont se croiser en chemin et se rejoindre. Tôt ou tard, ils comprendront que le coeur n'a pas d'âge pas plus que les souvenirs!
Merci Colibri-Namélie pour ce message qui traduit tellement ce qui se vit lors des réunions intergénérations. Et à ce qu'ai pu lire, il y a quelque chose que tu as laissé en suspend. On peut remettre une chose à plus tard... mais quand le "plus tard" est arrivé, rien ne sert de tergiverser, il faut le faire. Stp écris ce billet que tu reportes depuis longtemps... Tu prives tes lecteurs d'un texte qui pourrait changer leur vie ou du moins la façon de l'aborder...N'oublie pas "le moment le pire est celui qui précède l'instant où on s'y met, après ça ne peut que bien aller".
Bonne semaine Colibri-Namélie!